L’effet de la pandémie : Prise de conscience forcée – de 2020 à 2023

La pandémie a plongé chaque employé dans un événement bouleversant en simultané. Elle a ouvert les yeux de nombreux employeurs sur l’importance de la santé et de la sécurité psychologiques.

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Voici le dixième billet d’une série rédigée par Mary Ann Baynton, directrice générale, Stratégies et collaboration, Stratégies en milieu de travail sur la santé mentale. 

Renforcer la résilience, qu’on le veuille ou non

Même si l’épuisement professionnel était omniprésent pendant la pandémie, on a aussi observé une résilience remarquable.

Beaucoup ont vécu une croissance personnelle au cours de cette période, et certains ont même revu leurs priorités de vie (Withiel et coll., 2021).

Ce fut un tournant, autant pour les employés que pour les employeurs. 

« La pandémie a mis en lumière et exacerbé l’isolement social, explique Amanda Muhammad, consultante spécialisée en gestion du stress et en sécurité psychologique à Dallas, au Texas. Elle a aussi offert plus de temps pour réfléchir, faire le point et réévaluer la vie et le travail. La brièveté de la vie nous a frappés, alors que tant de gens ont été emportés. Nous avons commencé à exiger autre chose, pour nous-mêmes et à l’égard de notre travail. » 

Une étude menée en 2022 dans des milieux de travail européens reconnaît les risques que la pandémie a posés pour la santé mentale. Elle suggère aussi que certains effets pourraient être positifs, comme une résilience accrue et une « cohésion sociale » renforcée pour faire face aux difficultés, y compris au travail. Les équipes ont montré des réactions claires au stress. Elles ont adopté des activités ludiques pour augmenter la solidarité. Les employés ont dit avoir fait appel à l’exercice, au divertissement et même au travail comme exutoires sociaux pour gérer le stress de la pandémie. Ces stratégies ont permis aux gens de se distraire et de cultiver un état d’esprit plus positif (Lovreglio et coll., 2022).

Bien des gens ont compris qu’il leur était permis de dire qu’ils n’allaient pas bien. 

Cliff Lonsdale, journaliste de longue date, raconte : « D’une certaine façon, la pandémie nous a forcés à reconnaître qu’on avait autant besoin d’aide que tout le monde. Je ne me réjouis pas de la pandémie, mais elle a eu ceci de positif : Il est devenu acceptable de parler de maladie mentale ou de santé mentale, parce que tout le monde était touché par la situation. Si ce n’était pas le cas pour toi, il y avait de quoi s’interroger. La pandémie a servi d’égalisateur. Il est devenu plus difficile pour un journaliste de dire : Toutes ces personnes dont je parle sont affectées mentalement et physiquement par la pandémie, mais moi non. »

Sensibiliser les employeurs à la santé mentale

L’un des aspects positifs de la pandémie, c’est qu’elle a éveillé la conscience des employeurs. Beaucoup voient désormais comment la santé mentale des employés influe non seulement sur leur bien-être, mais aussi sur leur rendement et leur productivité. Cette prise de conscience est survenue parce que nous avons tous vécu, en même temps, un événement qui a fait planer une menace réelle sur notre vie. La santé mentale de chaque personne a été touchée, d’une manière ou d’une autre. 

On peut raisonnablement dire que la Norme nationale du Canada sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail (la Norme) a joué un rôle déterminant dans de nombreux milieux de travail pendant et après la pandémie. Des entrevues menées auprès d’experts ont révélé que les organisations qui avaient déjà commencé à mettre en œuvre la Norme étaient mieux préparées à faire face à la crise.  

Liz Horvath, conseillère principale en santé et sécurité psychologiques à la Commission de la santé mentale du Canada, explique : « Les employeurs estimaient que leurs équipes étaient mieux outillées pour faire face à la pandémie, parce qu’ils avaient déjà mis en place certaines mesures en lien avec la Norme. Les employés avaient un meilleur accès aux avantages sociaux et pouvaient parler plus librement de ce qu’ils vivaient. »

« Au fil de la pandémie, on est passé de Quels politiques, stratégies et programmes devons-nous mettre en place pour protéger la santé et la sécurité psychologiques? à Que faisons-nous pour protéger la santé mentale et le bien-être de nos employés en ce moment?, explique Sarah Jenner, directrice générale, Employeur consciencieux Canada. L’attention s’est portée sur l’accès direct, par les employés, aux ressources essentielles, là où elles étaient le plus nécessaires.

La Norme précise que la participation active des employés à l’évaluation et à la prise en charge des enjeux de santé et de sécurité psychologiques est essentielle pour en assurer l’efficacité. Il ne s’agit pas d’un simple processus administratif. 

Cette expérience partagée a transformé la relation entre bon nombre de leaders et leurs équipes. Un employé a raconté que voir ses gestionnaires à l’écran avec leurs enfants ou leurs animaux de compagnie les rendait plus accessibles. Cela les a humanisés.

Rachel Lewis est psychologue du travail spécialisée en santé et bien-être au travail au sein d’Affinity Health at Work et Birkbeck à l’Université de Londres. « Pendant la pandémie, les leaders étaient visibles comme jamais auparavant, explique-t-elle. Ce qui était perçu comme « du vent » est devenu un impératif stratégique. Un leadership fort est désormais associé à l’ouverture, à l’authenticité et à la capacité de montrer sa vulnérabilité. » 

Christine Hildebrand, vice-présidente, Stratégie visant la santé et les compétences à la Canada Vie, parle des efforts supplémentaires que les leaders ont dû faire à défaut de contacts quotidiens : « Les leaders ont dû être plus intentionnels dans leur façon d’évaluer le bien-être de leurs employés, alors qu’avant, certaines choses se faisaient naturellement, simplement par le contact avec les gens au bureau. La pandémie a changé la donne. » 

Faire progresser la santé et la sécurité psychologiques

C’est à la hâte que certaines organisations ont créé des règles encadrant le travail pendant la pandémie. Celles qui s’étaient déjà dotées de politiques en matière de santé mentale et de sécurité psychologique savaient qu’elles devaient procéder à un état des lieux à la lumière des répercussions changeantes de la pandémie sur la réglementation et leur fonctionnement. Elles ont suivi les recommandations de la Norme. À différents moments de la crise, les leaders se sont tournés vers leurs employés pour leur demander ce dont ils avaient besoin afin de préserver leur santé psychologique et de maintenir leur rendement.

Ils savaient qu’il fallait communiquer souvent et efficacement. Ils ont montré qu’ils accordaient de la valeur aux commentaires des employés, et qu’ils s’en servaient. 

Certains intervenants estiment que de telles approches sont devenues la nouvelle norme positive et qu’il n’y aura pas de retour en arrière. 

« Aujourd’hui, si les employés sentent qu’ils ne sont pas bien traités, ils sont plus susceptibles de partir, affirme Jason Van Schie, psychologue et fondateur de FlourishDx. Ils peuvent se dire : L’employeur me voit comme un numéro. S’il ne prend plus soin de moi, j’irai là où on s’occupera de moi. » 

Amanda Muhammad, propriétaire de Mako Mindfulness, ajoute : « Beaucoup d’entreprises ont été forcées de ralentir et de réfléchir à la façon de soutenir et de fidéliser leurs employés en prenant soin d’eux. Les gens observaient comment leur organisation réagissait à la crise et si elle incarnait véritablement ses valeurs. »

Les entreprises qui comprenaient ce que signifient la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail en toutes circonstances, et pas seulement en période de crise, ont agi de manière plus intentionnelle et sécuritaire que celles qui ne le comprenaient pas. 

Les faits sont là : la pandémie a permis de faire avancer la santé et la sécurité psychologiques, parce qu’elle a mis en lumière un enjeu qu’on ne pouvait plus ignorer – la santé mentale de chaque employé. 

Si la pandémie nous a appris quelque chose, c’est qu’il est bel et bien temps d’inscrire la santé et la sécurité psychologiques à l’ordre du jour de tous les milieux de travail. 

Notre prochain billet, Repenser la santé mentale, souligne le rôle de la pandémie et de la Norme nationale dans la sensibilisation des gens au stress et à la santé mentale au travail. Découvrez l’Histoire de la santé et de la sécurité psychologiques et lisez tous les blogues de cette série.

Les opinions exprimées dans ce billet de blogue sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique officielle de la Canada Vie ou de Stratégies en milieu de travail sur la santé mentale.

Références

  1. Lovreglio, P., Leso, V., Riccardi, E., Stufano, A., Pacella, D., Cagnazzo, F., ... et Iavicoli, I. (2022) Coronavirus disease (COVID-19) pandemic: the psychological well-being in a cohort of workers of a multinational company. Safety and Health at Work, vol. 13 no 1, p. 66-72.

  2. Withiel, T., Barson, E., Ng, I., Segal, R., Williams, D. L. G., Krieser, R. B., ... et Fisher, C. A. (2021). The psychological experience of frontline perioperative health care staff in responding to COVID-19: Qualitative study. JMIR Perioperative Medicine, vol. 4 no 2, e27166.

Contributors include:Leanne FournierMary Ann BayntonÉquipe de Stratégies en milieu de travail sur la santé mentale de 2024 à aujourd’hui

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